Bardella défie Macron : le RN réclame la rupture de l’accord franco-algérien

L’Assemblée nationale a vécu ce jeudi une journée sous haute tension. À la faveur de la « niche parlementaire » du Rassemblement national (RN), les députés ont examiné plusieurs propositions du parti d’extrême droite, dont une résolution très symbolique : la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968.
Selon le rapport parlementaire de deux députés Renaissance, l’accord franco-algérien de 1968 coûte au moins 2 milliards d’euros par an à la France. Cet accord octroie des facilités en matière de circulation, de séjour et d’emploi aux Algériens vivant sur le sol français. pic.twitter.com/9wcitoJ7EF
— Le Figaro (@Le_Figaro) October 18, 2025
Adopté à une voix près, ce texte relance un débat explosif sur l’immigration, les relations franco-algériennes et la souveraineté nationale. Jordan Bardella en a profité pour appeler Emmanuel Macron à « rompre définitivement » cet accord, tandis que la gauche dénonce un « geste d’hostilité » envers l’Algérie.
Un vote historique à une voix près
Le suspense a été total dans l’hémicycle : 185 voix pour, 184 contre. À une voix près, la proposition de résolution du RN dénonçant l’accord franco-algérien de 1968 a été adoptée, marquant un tournant symbolique dans le débat migratoire français. Cet accord, signé il y a plus de cinquante ans, encadre le statut des ressortissants algériens en France, facilitant notamment leur installation et leur accès à certaines démarches administratives.
Pour le Rassemblement national, ce texte « appartient à une autre époque » et confère des avantages jugés « dérogatoires » à l’immigration algérienne. Jordan Bardella a salué « une victoire politique et symbolique majeure », avant de demander à Emmanuel Macron « de prendre acte de la volonté du Parlement et de rompre définitivement ces facilités migratoires ».
À noter : ce vote n’a pas de portée législative directe, mais il envoie un signal politique fort, notamment dans un contexte de crispation autour des questions migratoires et identitaires.
Une fracture politique et diplomatique
La décision a immédiatement provoqué des réactions en chaîne. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a reconnu dans la soirée que « l’accord de 1968 doit être renégocié », estimant qu’il « n’est plus adapté aux enjeux actuels ». Cette déclaration a surpris jusque dans les rangs de la majorité, où certains élus redoutent un durcissement du discours gouvernemental.
De son côté, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé « une résolution d’une extrême agressivité envers l’Algérie ». Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le chef de La France insoumise a accusé la majorité et le RN de « réveiller les vieilles rancunes coloniales » et d’« envenimer les relations entre les deux pays ».
Un député LFI, Abdelkader Lahmar, a même qualifié le texte de « raciste et haineux », jugeant qu’il stigmatise les Français d’origine algérienne. Ces propos illustrent la fracture profonde qui traverse désormais la classe politique française sur la question migratoire.
Ce jeudi, en pleine séance @AK_Lahmar (LFI) traite @hanane_mnsr (UDR) de « caution » alors qu’elle défendait la loi rétablissant le délit de séjour irrégulier. Une attaque raciste, visant une élue d’origine marocaine coupable de ne pas penser à gauche. 2/10 pic.twitter.com/oXOI3wK9ie
— Radouan Kourak (@radouan_kourak) October 30, 2025
Résolution sur l’accord franco-algérien de 1968 : « En tant que fils d’immigrés algériens, ce qui m’inquiète aujourd’hui, c’est d’entendre des députés qui nous considéreraient presque comme des ennemis de l’intérieur », témoigne @AK_Lahmar. « C’est le retour de l’OAS à l’Assemblée. » pic.twitter.com/Z5wwgVql6d
— LCP (@LCP) October 30, 2025
Le contenu et les enjeux de l’accord de 1968
Signé le 27 décembre 1968, l’accord franco-algérien régit l’entrée, le séjour et le travail des Algériens en France. Il accorde des droits spécifiques par rapport à d’autres ressortissants étrangers, notamment en matière de regroupement familial et de délivrance de titres de séjour.
L’Assemblée nationale adopte la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 pic.twitter.com/0JDfyKoF3v
— Masdak (@Masdaak) October 30, 2025
Les principaux points de l’accord :
- Simplification des procédures de visa et de séjour pour les citoyens algériens ;
- Facilitation du regroupement familial ;
- Reconnaissance particulière du statut de travailleur algérien en France ;
- Encadrement bilatéral des échanges de main-d’œuvre.
Cet accord a été amendé à plusieurs reprises, notamment en 1985 et 2001, mais sa structure de base demeure inchangée. Selon ses défenseurs, il représente un lien historique entre la France et l’Algérie, deux nations liées par une histoire complexe et douloureuse.
Pour ses détracteurs, il crée une inégalité de traitement avec d’autres pays et entretient une immigration « non maîtrisée ».
| Éléments clés | Effets actuels |
|---|---|
| Simplification des titres de séjour | Démarches plus rapides pour les Algériens en France |
| Regroupement familial facilité | Entrées plus nombreuses de conjoints et enfants |
| Statut spécifique de travailleur | Moins de restrictions que pour d’autres nationalités |
| Absence de clause de réciprocité | Pas de conditions équivalentes pour les Français en Algérie |
Une bataille politique au goût électoral
Derrière le débat juridique, c’est un affrontement politique majeur qui se joue. Le RN cherche à imposer ses thèmes de prédilection – immigration, souveraineté, identité nationale – à un moment où la droite traditionnelle et une partie du gouvernement adoptent un ton plus ferme sur ces sujets. En demandant à Emmanuel Macron de « rompre » l’accord, Jordan Bardella pousse le chef de l’État à se positionner clairement entre deux lignes : celle du dialogue diplomatique avec Alger et celle d’un durcissement migratoire réclamé par une partie de l’opinion.
💬 « Vous êtes le parti de l’Algérie », lance Guillaume Bigot (RN) aux députés de gauche lors du débat à l’Assemblée portant sur l’accord franco-algérien #BFM2 pic.twitter.com/1aVXiOIA8J
— BFMTV (@BFMTV) October 30, 2025
Le vote de cette résolution, purement symbolique, permet au RN de marquer des points politiques sans assumer la responsabilité d’une rupture réelle.
Important : la dénonciation officielle d’un accord bilatéral relève de l’exécutif, et non du Parlement. Emmanuel Macron n’a, pour l’heure, pas réagi publiquement à cette demande, mais l’intervention du Premier ministre laisse entrevoir une possible révision du texte dans les prochains mois.
Attention toutefois : une renégociation pourrait raviver les tensions diplomatiques entre Paris et Alger, déjà fragilisées ces dernières années par plusieurs polémiques, notamment sur les visas et la mémoire coloniale.
Un symbole aux répercussions profondes
Au-delà de la bataille parlementaire, cette initiative du RN interroge sur le modèle d’intégration français et sur les relations franco-algériennes à long terme. Pour certains analystes, le débat dépasse la seule question migratoire : il traduit une recomposition politique où la ligne identitaire gagne du terrain, tandis que la diplomatie franco-algérienne, souvent fragile, pourrait en subir les contrecoups.
Le gouvernement se retrouve ainsi face à un dilemme : maintenir un accord hérité de l’histoire au risque d’être accusé d’immobilisme, ou le revoir au prix d’une crise diplomatique.
Dans les deux cas, le sujet promet de rester au cœur des débats politiques dans les mois à venir, alors que la question migratoire s’impose déjà comme l’un des thèmes centraux de la campagne européenne.
En somme, la journée du jeudi a marqué un tournant dans la politique française : entre calculs électoraux, crispations identitaires et enjeux diplomatiques, l’accord franco-algérien de 1968, longtemps perçu comme un héritage du passé, est redevenu un sujet brûlant du présent. Le gouvernement devra désormais trancher entre mémoire et modernité, coopération et fermeté.



