Épargne Foncière : la SCPI en tension qui accélère ses ventes pour regagner en liquidité

C’est l’une des SCPI les plus emblématiques du marché… mais aussi l’une des plus sous pression. Épargne Foncière, gérée par La Française, traverse une zone de fortes turbulences.
Face à une vague de retraits d’associés sans précédent et une liquidité presque à l’arrêt, la société de gestion vient d’annoncer une nouvelle mesure : une dotation exceptionnelle de 30 millions d’euros à son fonds de remboursement d’ici la fin de l’année 2025. Objectif affiché : redonner un souffle à la SCPI la plus illiquide du marché, tout en préservant la valeur de son patrimoine.
Une SCPI sous tension : retraits massifs et ventes accélérées
Avec une capitalisation de plus de 4 milliards d’euros, Épargne Foncière est depuis plusieurs mois confrontée à une montée inquiétante des retraits. À fin septembre 2025, 283 millions d’euros de parts étaient en attente de cession, soit 7,3 % du capital total — un record dans le secteur. Trois mois plus tôt, ce taux n’était « que » de 6,5 %. Autrement dit, la pression s’intensifie trimestre après trimestre.
Cette situation s’explique principalement par le contexte immobilier actuel : la baisse des prix de l’immobilier d’entreprise, la hausse des taux d’intérêt et la faible collecte des SCPI. Pour Épargne Foncière, cela se traduit par une difficulté à trouver de nouveaux souscripteurs, ce qui paralyse le marché secondaire des parts.
Face à ce mur de liquidité, La Française a décidé d’activer un levier exceptionnel : un fonds de remboursement destiné à racheter directement des parts d’associés bloqués sur le marché. Ce mécanisme, déjà utilisé pour d’autres véhicules du groupe, vise à éviter une dégradation supplémentaire de la confiance des investisseurs.
Le fonds de remboursement : un filet de sécurité pour les associés
Ce fonds, doté de 30 millions d’euros, sera mis en place au quatrième trimestre 2025. Il permettra à la société de gestion de racheter jusqu’à 55 762 parts au prix de 538 € chacune, dans la limite de 45 parts par associé. Cette décote représente environ –13 % par rapport au prix de retrait actuel de 619,75 €, lui-même inférieur de 7,5 % au prix de souscription de 670 €.
Attention : cette opération ne concerne pas tous les investisseurs. Seuls les associés dont les parts sont en attente de cession depuis au moins trois mois pourront en bénéficier. En pratique, cela signifie que les associés les plus anciens sur la liste de retrait seront prioritaires.
Objectifs du fonds de remboursement :
- réduire le stock de parts en attente de rachat,
- restaurer la confiance des investisseurs existants,
- éviter une trop forte dégradation de la valeur des parts,
- stabiliser la situation avant un éventuel redémarrage du marché en 2026.
Cette initiative, bien que saluée par certains, reste coûteuse et symbolise la fragilité du secteur des SCPI de bureaux, particulièrement touché par la désaffection des investisseurs depuis la crise post-Covid et la montée du télétravail.
Des cessions d’actifs en série pour dégager des liquidités
Pour financer ce fonds et alléger son endettement, Épargne Foncière a multiplié les ventes d’actifs au troisième trimestre 2025. Au total, 18 biens immobiliers ont été cédés pour un montant de 64,8 millions d’euros hors droits, représentant plus de 10 000 m², dont 1 700 m² de surfaces vacantes. Ces ventes ont principalement concerné des immeubles de bureaux situés en région parisienne et dans plusieurs métropoles régionales.
Cette stratégie vise à libérer des liquidités pour trois priorités :
- le remboursement partiel de la dette,
- le financement des travaux de rénovation sur des immeubles stratégiques,
- et le renforcement du fonds de remboursement pour accompagner les retraits.
| Objectif de la vente | Montant ou effet estimé |
|---|---|
| Remboursement de dettes | ~20 M€ affectés |
| Financement de travaux | ~14 M€ sur plusieurs chantiers en cours |
| Dotation au fonds de remboursement | 30 M€ prévus au T4 2025 |
À noter : la collecte du trimestre est restée très faible, à peine 1 million d’euros, ce qui montre que les nouvelles souscriptions ne suffisent plus à compenser les retraits. C’est précisément cette absence de nouvelles entrées qui alimente la spirale d’illiquidité observée sur plusieurs SCPI du marché.
Une crise de liquidité qui dépasse Épargne Foncière
Si Épargne Foncière attire l’attention, elle n’est pas un cas isolé. D’autres SCPI du groupe La Française, comme Crédit Mutuel Pierre 1 (8,3 % du capital en attente de cession) et LF Grand Paris Patrimoine (proche du seuil critique de 10 %), rencontrent les mêmes difficultés. La crise de liquidité touche donc plusieurs véhicules d’épargne immobilière, illustrant une tendance de fond : la période d’expansion rapide des SCPI touche à sa fin.
La remontée des taux d’intérêt a profondément modifié le rapport rendement/risque de ces produits. Là où les SCPI offraient autrefois un rendement net de 4 à 5 %, l’écart avec les placements sécurisés (Livret A, fonds euros, obligations d’État) s’est considérablement réduit. Résultat : les investisseurs hésitent à immobiliser leur épargne dans des produits peu liquides et exposés à la baisse de la valeur des immeubles.
Important : les SCPI ne sont pas menacées de faillite, mais elles doivent adapter leur modèle. La priorité est désormais à la gestion active : ventes ciblées, réévaluation du patrimoine, diversification géographique et sectorielle.
Entre prudence et espoir de rebond
La stratégie adoptée par La Française traduit une volonté de préserver la stabilité du marché secondaire tout en protégeant les associés les plus exposés. Le fonds de remboursement agit comme un pare-feu, mais il ne résout pas le problème structurel : celui d’un déséquilibre entre l’offre et la demande de parts.
Certains analystes estiment que 2026 pourrait marquer un tournant, avec un retour progressif des investisseurs si les taux se stabilisent et que la valeur des actifs cesse de se déprécier. D’ici là, la gestion devra rester prudente et sélective.
En somme, Épargne Foncière traverse une période charnière. Son plan de cessions et la mise en place du fonds de remboursement constituent des signaux forts adressés aux marchés.
Attention toutefois : le redressement de la liquidité prendra du temps, et la confiance ne reviendra que si la performance et la transparence s’améliorent durablement.
Pour les associés, 2026 s’annonce comme une année de transition – entre résilience et attente d’un nouveau souffle pour l’immobilier collectif.



